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Bibliothque de la libert
Frédéric Bastiat
La Loi
Vol. 4 des Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, mises en ordre,
revues et annotées d’après les manuscrits de l’auteur (Paris Guillaumin
et Cie, 1862-64) en 7 volumes, pp. 342-393.
Remerciements : numérisation par François-René Rideau, pagination à l’original et mise en forme par Khadija El Issaoui
LA LOI
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.
La loi pervertie! La loi — et à sa suite toutes les forces collectives de la nation, — la Loi,
dis-je, non seulement détournée de son but, mais appliquée à poursuivre un but directement
contraire! La Loi devenue l'instrument de toutes les cupidités, au lieu d'en être le frein! La Loi
accomplissant elle-même l'iniquité qu'elle avait pour mission de punir! Certes, c'est là un fait
grave, s'il existe, et sur lequel il doit m'être permis d'appeler l'attention de mes concitoyens.
Nous tenons de Dieu le don qui pour nous les renferme tous, la Vie, — la vie physique,
intellectuelle et morale. Mais la vie ne se soutient pas d'elle-même. Celui qui nous l'a donnée
nous a laissé le soin de l'entretenir, de la développer, de la perfectionner.
Pour cela, il nous a pourvus d'un ensemble de Facultés merveilleuses; il nous a plongés dans
un milieu d'éléments divers. C'est par l'application de nos facultés à ces éléments que se
réalise le phénomène de l'Assimilation, de l'Appropriation, par lequel la vie parcourt le cercle
qui lui a été assigné.
Existence, Facultés, Assimilation — en d'autres termes, Personnalité, Liberté, Propriété,
— voilà l'homme.
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Ce fut en juin 1850 que l’auteur, pendant quelques jours passés dans sa famille à Mugron, écrivit ce pamphlet.
(
Note de l’éditeur
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LA LOI. 343
C'est de ces trois choses qu'on peut dire, en dehors de toute subtilité démagogique,
qu'elles sont antérieures et supérieures à toute législation humaine.
Ce n'est pas parce que les hommes ont édicté des Lois que la Personnalité, la Liberté et la
Propriété existent. Au contraire, c'est parce que la Personnalité, la Liberté et la Propriété
préexistent que les hommes font des Lois.
Qu'est-ce donc que la Loi? Ainsi que je l'ai dit ailleurs, c'est l'organisation collective du
Droit individuel de légitime défense
1
.
Chacun de nous tient certainement de la nature, de Dieu, le droit de défendre sa Personne,
sa Liberté, sa Propriété, puisque ce sont les trois éléments constitutifs ou conservateurs de la
Vie, éléments qui se complètent l'un par l'autre et ne se peuvent comprendre l'un sans l'autre.
Car que sont nos Facultés, sinon un prolongement de notre Personnalité, et qu'est-ce que la
Propriété si ce n'est un prolongement de nos Facultés?
Si chaque homme a le droit de défendre, même par la force, sa Personne, sa Liberté, sa
Propriété, plusieurs hommes ont le Droit de se concerter, de s'entendre, d'organiser une Force
commune pour pourvoir régulièrement à cette défense.
Le Droit collectif a donc son principe, sa raison d'être, sa légitimité dans le Droit
individuel; et la Force commune ne peut avoir rationnellement d'autre but, d'autre mission que
les forces isolées auxquelles elle se substitue.
Ainsi, comme la Force d'un individu ne peut légitimement attenter à la Personne, à la
Liberté, à la Propriété d'un autre individu, par la même raison la Force commune ne peut être
légitimement appliquée à détruire la Personne, la Liberté, la Propriété des individus ou des
classes.
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Voy, au tome V, les deux dernières pages du pamphlet, Spoliation et LOI.
(
Note de l’éditeur
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344 PAMPHLETS.
Car cette perversion de la Force serait, en un cas comme dans l'autre, en contradiction
avec nos prémisses. Qui osera dire que la Force nous a été donnée non pour défendre nos
Droits, mais pour anéantir les Droits égaux de nos frères? Et si cela n'est pas vrai de chaque
force individuelle, agissant isolément, comment cela serait-il vrai de la force collective, qui
n'est que l'union organisée des forces isolées?
Donc, s'il est une chose évidente, c'est celle-ci: La Loi, c'est l'organisation du Droit
naturel de légitime défense; c'est la substitution de la force collective aux forces individuelles,
pour agir dans le cercle où celles-ci ont le droit d'agir, pour faire ce que celles-ci ont le droit
de faire, pour garantir les Personnes, les Libertés, les Propriétés, pour maintenir chacun dans
son Droit, pour faire régner entre tous la Justice.
Et s'il existait un peuple constitué sur cette base, il me semble que l'ordre y prévaudrait
dans les faits comme dans les idées. Il me semble que ce peuple aurait le gouvernement le
plus simple, le plus économique, le moins lourd, le moins senti, le moins responsable, le plus
juste, et par conséquent le plus solide qu'on puisse imaginer, quelle que fût d'ailleurs sa forme
politique.
Car, sous un tel régime, chacun comprendrait bien qu'il a toute la plénitude comme toute
la responsabilité de son Existence. Pourvu que la personne fût respectée, le travail libre et les
fruits du travail garantis contre toute injuste atteinte, nul n'aurait rien à démêler avec l'État.
Heureux, nous n'aurions pas, il est vrai, à le remercier de nos succès; mais malheureux, nous
ne nous en prendrions pas plus à lui de nos revers que nos paysans ne lui attribuent la grêle ou
la gelée. Nous ne le connaîtrions que par l'inestimable bienfait de la Sûreté.
On peut affirmer encore que, grâce à la non-intervention de l'État dans des affaires
privées, les Besoins et les Satis-
LA LOI. 345
factions se développeraient dans l'ordre naturel. On ne verrait point les familles pauvres
chercher l'instruction littéraire avant d'avoir du pain. On ne verrait point la ville se peupler aux
dépens des campagnes, ou les campagnes aux dépens des villes. On ne verrait pas ces grands
déplacements de capitaux, de travail, de population, provoqués par des mesures législatives,
déplacements qui rendent si incertaines et si précaires les sources mêmes de l'existence, et
aggravent par là, dans une si grande mesure, la responsabilité des gouvernements.
Par malheur, il s'en faut que la Loi se soit renfermée dans son rôle. Même il s'en faut
qu'elle ne s'en soit écartée que dans des vues neutres et discutables. Elle a fait pis: elle a agi
contrairement à sa propre fin; elle a détruit son propre but; elle s'est appliquée à anéantir cette
Justice qu'elle devait faire régner, à effacer, entre les Droits, cette limite que sa mission était
de faire respecter; elle a mis la force collective au service de ceux qui veulent exploiter, sans
risque et sans scrupule, la Personne, la Liberté ou la Propriété d'autrui; elle a converti la
Spoliation en Droit, pour la protéger, et la légitime défense en crime, pour la punir.
Comment cette perversion de la Loi s'est-elle accomplie? Quelles en ont été les
conséquences?
La Loi s'est pervertie sous l'influence de deux causes bien différentes: l'égoïsme
inintelligent et la fausse philanthropie.
Parlons de la première.
Se conserver, se développer, c'est l'aspiration commune à tous les hommes, de telle sorte
que si chacun jouissait du libre exercice de ses facultés et de la libre disposition de leurs
produits, le progrès social serait incessant, ininterrompu, infaillible.
Mais il est une autre disposition qui leur est aussi commune. C'est de vivre et de se
développer, quand ils le peu-
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