ARISTOTE, sommeil et veille.doc

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ARISTOTE

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TRAITÉ DU SOMMEIL ET DE LA VEILLE, ARISTOTE

 

TRAITÉ DU SOMMEIL ET DE LA VEILLE

ARISTOTE

 

Traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire

Paris : Ladrange, 1866

Nouvelle édition numérique http://docteurangelique.free.fr 2008

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

 

Plan du traité par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire              1

CHAPITRE I : Questions diverses qu'on peut se poser sur le sommeil et sur la veille, sur les rêves et sur la divination.              3

CHAPITRE II : Explication de la cause du sommeil et de la veille              5

CHAPITRE III : Conditions physiologiques du sommeil              8

 

Plan du traité par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire

 

Étudions maintenant le sommeil et la veille ; sachons à quelle partie de l'âme ou du corps appartiennent ces deux fonctions, ou bien si elles sont communes aux deux. Sachons encore si elles sont toujours compagnes l'une de l'autre, on si elles peuvent être séparées dans certains animaux. Une conséquence de cette première étude sera de rechercher ce que c'est que le rêve, et la divination qu'on essaye parfois de tirer des songes. D'abord le sommeil et la veille sont dans la même partie de l'animal, parce que ce sont des contraires qui se produisent mutuellement, et qui sont par la nature dans un seul et même sujet. Ce qui prouve bien que le sommeil et la veille sont des contraires, c'est que le même signe qui nous fait connaître que l'homme veille, nous fait aussi connaître, en sens opposé, qu'il dort. L'homme veille tant qu'il sent : il dort dès qu'il ne sent plus. Ainsi le principe qui fait que l'homme sent est aussi celui qui est affecté par le sommeil et par la veille; or, sentir n'appartient en propre ni à l'âme ni au corps; c'est une fonction commune aux deux. Par suite, les êtres qui n'ont pas la partie sensible de l'âme, les végétaux, par exemple, qui n'ont que la partie sensitive, ne dorment ni ne veillent. Une autre conséquence, c'est qu'il n'est point d'animal qui veille toujours ou qui dorme toujours. Tout organe, quelle qu'en soit d'ailleurs la fonction naturelle, ne peut l'exercer que durant un temps limité, après lequel il tombe dans l'impuissance. Si donc la veille est le libre exercice de la sensibilité, le sommeil sera une fonction aussi indispensable qu'elle; car il faut nécessairement que tout être qui veille puisse aussi dormir, pour réparer les forces que la veille lui enlève. D'autre part, le sommeil doit également finir avec cette réparation même, puisque l'exercice de la sensibilité est l'état complet et vrai de l'animal, qui n'est ce qu'il est qu'autant qu'il est doué de sensibilité. Tous les animaux autres que l'homme ont la faculté du sommeil comme lui. Il n'y a doute que pour les coquillages, sur lesquels on n'a point fait d'observations directes.

Les insectes dorment fort peu, et c'est là ce qui a fait parfois douter qu'ils eussent cette faculté comme les autres. Ainsi tous les animaux veillent et dorment, parce qu'ils sont sensibles; et il faut ajouter que, durant le sommeil, la nutrition dont ils ont tous besoin se fait d'une manière plus facile et plus complète. Ces préliminaires posés, voyons la cause du sommeil et de la veille, et le sens ou les sens auxquels ces deux fonctions se rapportent. D'abord, s'il y a des animaux qui soient privés de quelque sens, tous, sans exception, possèdent le toucher et le goût ; c'est un principe établi déjà dans le Traité de l'Ame. Nous y avons établi aussi qu'indépendamment de la fonction spéciale à chaque sens, il y a encore une faculté commune qui réunit et compare les sensations venues d'organes différents. Elle est simultanée au toucher, le seul sens qui puisse être séparé de tous les autres, tandis que tous les autres en sont inséparables. Ainsi, le sommeil et la veille sont des affections de ce sens général ; et, comme le toucher est commun à tous les animaux, voilà pourquoi tous aussi veillent et dorment. Les sens spéciaux peuvent agir indépendamment les uns des autres ; par suite, ils ne devraient point cesser simultané ment si 1e sommeil ne touchait que chacun d'eux en particulier. Mais on conçoit très-bien que, quand le principe général sans lequel les sens ne peuvent agir, vient à cesser, tous éprouvent la modification que lui-même subit. Ce qui le démontre non moins clairement, c'est que, dans certains états du corps, dans les évanouissements, par exemple, dans certaines hallucinations, et même par suite de certaines blessures, les sens tombent dans l'impuissance d'agir, et cependant il n'y a point sommeil. Voilà pour le sens qu'affectent le sommeil et la veille. Maintenant en voici la cause. La nature fait toujours toutes choses en Tue de quelque fin ; et ici la fin qu'elle se propose, c'est la conservation de l'animal à l'état de veille. La veille est la fin propre de l'animai, parce que sentir et penser sont les fonctions qui le constituent réellement. Pour savoir dans quel lieu du corps se produisent le sommeil et la veille, c'est sur l'homme qu'il faut observer, parce que les faits sont les mêmes pour les animaux qui ont du sang comme lui, et tout à fait analogues chez les animaux qui n'ont pas de sang. Le corps, chez l'homme, se divise en trois parties principales: la tête, le bas-ventre, et la partie centrale, intermédiaire entre les deux autres; c'est dans cette dernière que se trouvent et le principe de la sensibilité, et celui du mouvement, et celui de la respiration. C'est le cœur et les parties qui l'environnent qui renferment ces principes; et, par conséquent, le sommeil et la veille sont primitivement des affections de ces parties. Il y a des gens qui font, dans le sommeil, beaucoup d'actes qui semblent propres à la veille; nous en reparlerons plus loin. Nous avons aussi expliqué dans nos Problèmes comment on se souvient des songes, bien qu'on oublie souvent les actes faits durant la veille. Quelles sont donc les circonstances physiologiques qui accompagnent le sommeil? D'abord tout animal, par cela même qu'il est sensible, doit aussi pouvoir se nourrir. C'est le sang qui est en définitive sa nourriture, ou un fluide analogue ; et le sang circule dans les veines, qui toutes viennent du cœur. L'anatomie peut prouver ceci, ainsi que le démontrent les théories données par nous dans le Traité de la Nourriture. Nous ne les rappellerons ici qu'autant qu'elles concernent le sommeil et la veille. Les aliments modifiés arrivent dans les veines sous forme de sang, et y causent une évaporation qui se dirige vers le cœur. L'insensibilité spéciale que produit le sommeil ne vient que de cette évaporation, qui monte d'abord en haut, puis retombe par un mouvement assez pareil à celui des flots de l'Euripe. En redescendant, la vapeur chasse la chaleur, et cause ainsi le sommeil. L'action des narcotiques démontre combien ces théories sont exactes : ils portent tous à la tête. La somnolence qu'on sent après le repas vient aussi de ce qu'alors l'évaporation est plus considérable. D'autre part, la fatigue, et certaines maladies provoquent le sommeil par des causes tout à fait analogues. Si la première enfance est si sujette à un lourd sommeil, c'est que l'évaporation dans les enfants se porte avec violence vers les parties supérieures; car, chez eux, elles sont toujours beaucoup plus développées que les parties inférieures, circonstance qui cause aussi chez ces petits êtres de fréquentes convulsions. Voilà encore pourquoi le vin ne vaut rien aux enfants, soit qu'ils le prennent directement, soit qu'ils le reçoivent indirectement par les nourrices qui les allaitent. Il ne faut pour eux rien qui provoque la congestion vers les parties supérieures, qui sont déjà si engorgées que c'est à peine si, à cinq mois, ils peuvent tourner le cou. Cette disposition est encore plus prononcée dans le fœtus, et c’est là ce qui fait qu'il reste immobile dans le sein de la mère. On peut remarquer en outre sur les gens qui ont la tête fort grosse et des formes de nains, qu'ils sont plus portés au sommeil que les autres. Même remarque pour les gens qui ont les veines étroites, parce que l'humidité n'y peut pas circuler assez aisément. Au contraire, ceux qui ont les vaisseaux larges et la circulation facile dorment peu, ainsi que les mélancoliques, dont le corps, toujours froid à l'intérieur, n'a qu'une évaporation peu abondante. De tous ces faits on peut tirer cette conclusion que le sommeil est une sorte de concentration de la chaleur à l'intérieur, et comme une répercussion ; les parties supérieures du corps se refroidissent, tandis que les parties inférieures et celles du dedans s'échauffent. Le sommeil peut donc être considéré comme une sorte de refroidissement de l'intérieur du corps ; et cette théorie n'est pas contredite, parce que certaines boissons chaudes provoquent le sommeil. La chaleur naturelle s'éteint alors en partie, comme le feu se ralentit au moment même où l'on met du bois dessus. Quoi qu'il en soit, c'est le cerveau qui est le siège principal du sommeil; le cerveau est la partie la plus froide du corps de l'animal. L'évaporation inférieure s'y refroidit et s'y condense, ainsi que les vapeurs élevées de la terre se refroidissent et se condensent dans les régions supérieures de l'air. Comme les veines qui environnent le cerveau sont les plus ténues et les plus étroites de tout le corps, le sang qui y arrive est aussi le plus léger et le plus pur; le sang le plus épais retombe; et c'est quand cette sécrétion est accomplie, que le sommeil vient à cesser. La nourriture ingérée n'a plus alors le poids qui provoquait d'abord le sommeil. En résumé, l'on peut dire que la cause qui fait dormir, c'est la répercussion énergique de la chaleur naturelle sur le principe sensible; le sommeil est l'enchaînement du principe sensible réduit à l'inactivité ; enfin le sommeil est indispensable à l'animal, qui ne peut se conserver et vivre que grâce au repos que le sommeil lui procure.

 

CHAPITRE I : Questions diverses qu'on peut se poser sur le sommeil et sur la veille, sur les rêves et sur la divination.

 

Le sommeil et la veille appartiennent à une même faculté ; à la sensibilité, qui est commune au corps et à l'âme. Le sommeil et la veille doivent se succéder alternativement. — L'activité ne peut être continuelle. Quelques exemples tirés de la physiologie comparée : volatiles, animaux aquatiques et terrestres, mollusques, insectes, etc. Tout animal dort, parce qu'il est sensible : les végétaux ne dorment pas, parce qu'ils n'ont que' la faculté nutritive, qui s'exerce mieux durant le sommeil.

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